Apparat critique

  • Texte édité
  • Témoin B
Pour citer cette page : Laboratoire de textes Norécrit, Actes des archevêques de Rouen (Maurice) : n° p13état d’établissement du texte annoté par Émeline Mancel, sous la responsabilité de Grégory Combalbert, consulté le . [En ligne : ]

p13

[1233, après le 26 août-1233, avant le 20 septembre]

Maurice, archevêque de Rouen, suite à la saisie du temporel de l'Église par le roi de France et par respect à la Vierge Marie, en l'honneur de qui l'Église a été fondée, en appelle à elle et mande à tous ses doyens, puisque la violence [de la spoliation] outrage spécialement la Vierge et injurie les Cieux, de faire placer les images de la Vierge dans toutes les églises de leurs doyennés, près de l'autel de la nef, non par terre mais sur un siège ou banc, et si l'église n'a pas d'autel dans la nef, dans un lieu approprié, par les prêtres paroissiaux avant la prochaine fête de N[oël ?]. Ces images devront être couronnées d'épines, sans aucune entrave ni aucun obstacle et il sera fait de même avec les images du Christ dans les quinze jours.

Tableau de la tradition

Original

A. Original

Copie(s) utile(s)

B. Copie dans un fragment de manuscrit de la fin du xiiie siècle. BnF, Latin 13091, fol. 37 recto.

Édition(s)

a. Pommeraye Jean-François, Sanctae Rotomagensis Ecclesiae concilia ac synodalia decreta, Rouen, Le Brun, 1677, p. 219, d'après c, première édition.

b. Bessin Guillaume, Concilia Rotomagensis Provinciae, Rouen, Vaultier, 1717, pars II, p. 50, d'après a.

c. D'Achery Luc, Prospectus novae editionis Spicilegium, 1723, t. 3, p. 614.

d. De Wailly Natalis, Delisle Leopold, Jourdain Charles, « E Chronico Rotomagensi », in Recueil des historiens des Gaules et de la France, Paris, H. Welter, 1840, t. 23, p. 334-335.

Dissertation critique

L'acte présenté ici, tout comme les deux suivants, présente une intitulation et une datation tronquée. Si l'intitulation est tronquée, les témoins abc incluent l'acte dans une suite d'actes dont une rubrique au début indique : « Epistolae Mauricii Rotomagensis archiepiscopi ». Au vu des éléments relatés ci après, il est possible de les attribuer à l'archevêque Maurice. Concernant la datation, la question est plus complexe.
La décision que prend ici l’archevêque est une réponse à la saisie des biens temporels de l’église de Rouen par le roi Louis IX en juillet 1232. Les deux actes édités ensuite lui font suite puisque, n'ayant obtenu de réponse du roi, l'archevêque jette un interdit sur les chapelles du roi dans le diocèse (n° p14), puis sur la majeure partie du diocèse (n° p15). La confiscation de certains biens de l’archevêque avait déjà eu lieu en 1227, sous l’archiépiscopat de Thibaud d’Amiens et il semble que, malgré une résolution du conflit, les relations entre le roi et l’archevêque soient restées tendues. En effet, la Chronique de Rouen rapporte que la confiscation a eu lieu « propter causas quae expressat sunt superius in tempore Theobaldi archiepiscopi Rothomagensis, et propter quasdam alias causas ». Ces « autres causes » sont d’une part l'excommunication des moines de Saint-Wandrille par l'archevêque, après qu'il eut pris parti pour l'abbé dans un conflit qui l'opposait à sa communauté en demandant à la reine Blanche d'intervenir, et d’autre part l’ingérence de l’archevêque dans l’élection de l’abbesse de Montivilliers, exempte de la sa juridiction, en opposition toujours avec la reine Blanche. Il semble que le véritable motif du conflit se trouve dans la reconnaissance du pouvoir royal par les archevêques, qui n’ont cessé d’argumenter qu’en ce qui concernait les affaires spirituelles, ils ne reconnaitraient que l’autorité du pape (Valois, Guillaume d'Auvergne, évêque de Paris..., p. 66-70.)

Bien qu’édité à plusieurs reprises, le Spicilegium (t. III, p. 614) est la source des éditions suivantes. L'auteur part de la Chronique de Rouen et l’agrémente avec des copies d'actes abrégés, sans citer sa source première (qui est probablement un manuscrit conservé à la BnF sous la cote Latin 13091). Alors que la Chronique fait mention d’une saisie du temporel en juillet 1233, les registres du pape Grégoire IX présentent une lettre envoyée au roi, lui intimant de rendre ses biens à l’archevêque, datée du 29 novembre 1232 (III kalendas decembris, anno sexto) (Auvray, Registres de Grégoire IX, t. 1, n° 967). En considérant que les registres donnent la date exacte, (plutôt que la chronique rédigée des années plus tard) la saisie des biens a donc eu lieu en juillet 1232. Une seconde série de lettres est envoyée par le pape à Louis IX les 23 et 26 août 1233 (Registres de Grégoire IX, n° 1505), laissant deviner que la situation n’était toujours pas réglée.
Est-ce avant ou après la seconde lettre du pape que Maurice décida d’en appeler aux puissances du Ciel pour faire plier le roi de France ? Devant l'inaction des prélats délégués par le Saint-Siège, il ordonne de faire placer les images de la Vierge sur l'autel de chaque église, puis en arrive finalement à jeter l’interdit sur les possessions du roi de France dans le diocèse de Rouen et sur la majeure partie du diocèse la veille de la saint Michel (28 septembre). Là encore deux sources se contredisent quant à l’année de l’interdit : 1232 ou 1233 ?
La Chronique de Rouen mentionne septembre 1233. L’abbé Fleury, dans son Histoire ecclésiastique (Fleury, 1840, t. 5, p. 245), indique que l’interdit a été jeté à la suite de la première lettre du pape, en septembre 1232. Les deux sources s’accordent cependant pour dire que l’interdit a été jeté la veille de la saint Michel, la même année que la saisie des biens temporels et a duré jusqu’à la saint Crépin (25 octobre) de l'année suivante. En considérant que l’auteur de la Chronique s’est trompé d’une année quant à la saisie du temporel par le roi (en 1232 et non 1233), l’interdit aurait donc été jeté en septembre 1232, hypothèse qui rejoint celle de l'abbé Fleury.
En s’appuyant sur la Chronique de Rouen mais également sur les registres de Grégoire IX, N. Valois indique quant à lui que les biens de l’archevêque auraient été saisis le 11 juillet 1232 mais que Maurice aurait attendu un an et une seconde tentative du pape en août 1233 avant de prendre l’affaire en main, en lançant l’interdit le 28 septembre 1233. Cette hypothèse est probable, d'autant qu'aucune des lettres envoyées par le pape les 23 et 26 août 1233 aux différents légats, au roi et à la reine ne mentionne un quelconque interdit jeté par l'archevêque. Dans l'acte n° p14, il est fait mention de « die martis in vigila Sancti M. » et « diem mercurii proximam post instans festum N. » Bessin (Concilia) propose et développe « vigilia Sancti Michaelis ». L’éditeur des RHGF précise en note que, contrairement à ce qu’indique Bessin, il pourrait s’agir de la fête de saint Mathieu. En 1233 en effet, date à laquelle il place l’interdit, la fête de saint Mathieu tombe un mercredi (donc la vigile un mardi), et celle de la saint Michel (date à laquelle commence l’interdit selon la Chronique de Rouen) tombe le mercredi de la semaine suivante, ce qui pourrait expliquer le « mercurii proximam post instans festum N. » de l’acte. En 1232, la fête de saint Mathieu tombe un lundi et celle de saint Michel un mardi. Si l’acte de Maurice avait été donné cette année-là, alors l’interdit aurait été jeté sur tout le diocèse le mercredi après la fête de saint Michel, ce que contredit la Chronique.

A partir de ces éléments, deux intervalles de datation peuvent être proposés pour cet acte et les deux suivants. Il est certain que le terminus a quo se situe après la saisie des biens temporels de l'archevêque et le terminus ad quem avant la prise effective de l'interdit, le dernier acte de cet ensemble mandant de le faire appliquer. Le premier intervalle suivrait les éléments narrés par N. Valois qui prennent en compte les bulles pontificales. Le terminus a quo serait donc après la seconde intervention pontificale, le 26 août 1233 et le terminus ad quem avant le 20 septembre 1233. C'est cette option qui a été retenue ici. Un intervalle de datation beaucoup plus prudent, s’appuyant uniquement sur les actes, donnerait un terminus a quo après la saisie des biens par le roi, soit après le 11 juillet 1232 et un terminus ad quem avant la date mentionnée dans l'acte n° p14, soit avant le 20 septembre 1233.

Dans cet acte, l’archevêque indique « infra instans festum N. », ce que l’auteur des RHGF (qui éditent la Chronique de Rouen) interprète comme « Nativitatis ».

L'édition est faite à partir de B, dont l'usure rend certains passages illisibles : complétés avec l'aide de b, ils figurent entre crochets.

Texte établi d'après B

Archiepiscopus Rothomagensis, universis decanis. Cum bona Rothomagensis Ecclesie, quibus nos, pro voluntate sua, minus juste excellentia regia spoliavit et ob reverentiam beate Virginis, in cujus honore eadem Ecclesia dignoscitur esse fundata, eidem fuerint ab antiquo collata : nosque regiam majestatem de novo duxerius [sic] [duxerimus] requirendam, ut eadem bona nobis restituere dignaretur. Qui nec solum monitioni nostre satisfacere non curavit, sed nec super hoc certum voluit dare respondum. Vobis in virtute obediencie districte precipiendo, mandamus quatenus cum predicta violentia in injuriam beate Virginis specialiter redundare noscatur, et ut offensa que eidem in hac parte irrogatur in celis, circa ymagines ipsius representetur in terris, vos universis imagines beate [Virginis in Ecclesiis vestrorum] decanatuum collocatas, singulas juxta aliquod altare in navi ecclesie [constitutum, non ad terram nu]dam, sed super cathedralem aliquam, sedem aut sellam ; aut si forte [Ecclesia in navi altare non habuerit], in aliquo loco competenti ipsius navis per earumdem ecclesiarum presbiteros [faciatis infra instans festum N.] collocari. Easdem etiam ymagines spinis immediate [circumdari, & aliquibus repagulis, aut] obstaculis, ne ab aliquo contingi, aut sordidari contingat, easdem circumvallari, cum debita diligentia faciatis. Hoc autem tam in regularibus quam secularibus ecclesiis precipiatis inviolabiliter observari. Hoc idem etiam de ymaginibus Salvatoris a quindena ejusdem N. Dominice faciatis : nisi infra eamdem quindenam a nobis aliud receperitis in mandatis. Datum et cetera.