Exposition de printemps – avril-juin 2019
Clément (saint), Recognitiones
Évolution de la représentation de l’archange saint Michel (1/5)
Origine : Nord-Ouest de la France, vers 980-1000 ?
Possesseur médiéval : abbaye du Mont Saint-Michel
vant le XVe siècle, saint Michel est le plus souvent représenté avec des ailes, vêtu d’une longue aube blanche, sans armure, muni d’un bouclier rond et combattant le mal en transperçant un dragon de sa lance.
Dans cette enluminure pleine page vraisemblablement exécutée autour de l’an Mil, le Mal est représenté par un homme nu aux cheveux hirsutes (hérétique ? démon ?) et non par un dragon, ce qui est inhabituel dans les illustrations contemporaines.
À droite, la scène de dédicace montre le moine Gelduin offrant le livre des Reconnaissances de saint Clément à l’archange saint Michel. Les analyses récentes effectuées par une équipe du Centre de Recherche sur la Conservation (CRC) ont permis de déchiffrer une partie du texte dissimulé sous le fond brunâtre. Cette lecture partielle permet de confirmer que Gelduin, donateur de l’ouvrage aux moines du Mont Saint-Michel (et peut-être aussi copiste de ce manuscrit), appartenait à un monastère Sancti […]mari. Il pourrait s’agir de l’abbaye Saint-Germer-de-Fly (Sancti Geremari), près de Beauvais. Ce rapprochement pose néanmoins une difficulté majeure puisque cette abbaye, détruite, par les Vikings au IXe siècle, n’a été restaurée par l’évêque de Beauvais, Drogon, qu’en 1036, donc un demi-siècle après la copie supposée de ce livre…
Les prochaines analyses qui seront effectuées par l’équipe du CRC, courant 2019, permettront probablement de résoudre cette lecture difficile : grâce à l’imagerie hyperspectrale (qui permet l’analyse des différentes couches picturales d’une enluminure), ce laboratoire parviendra sans doute à lire intégralement le nom du monastère d’appartenance de Gelduin. Cette information est essentielle pour mieux comprendre les échanges entre l’abbaye du Mont Saint-Michel et les autres communautés religieuses autour de l’an Mil, donc peu après l’installation des moines bénédictins au Mont en 965-966.
Augustin (saint), Commentaire sur les psaumes (partie 1/3)
Évolution de la représentation de l’archange saint Michel (2/5)
Origine : abbaye du Mont Saint-Michel, années 1050
Possesseur médiéval : abbaye du Mont Saint-Michel
e volume, copié et enluminé au milieu du XIe siècle, contient la représentation médiévale classique de saint Michel avant le XVe siècle : l’archange, doté d’ailes, est vêtu d’une longue aube blanche. Il ne porte pas d’armure, mais il est muni d’un bouclier rond et piétine le dragon en lui transperçant la bouche de sa lance. Un nimbe (disque doré) entoure la tête de l’archange afin de mettre en évidence sa sainteté.
À droite, saint Augustin compose son Commentaire sur les psaumes sous l’inspiration d’un ange, qui sert d’intermédiaire entre l’Homme et Dieu.
En bas, le roi David, à qui sont attribués les cinquante premiers psaumes, est représenté jouant de la harpe : cet instrument est l’attribut qui le caractérise le plus souvent dans l’iconographie médiévale.
Page de droite, la lettre ornée ‘B’ de Beatus révèle une influence anglo-saxonne. L’initiale compartimentée se termine par des entrelacs réguliers et symétriques, ainsi que des têtes d’animaux. Sa panse est remplie de tiges végétales et de feuillages, au sein desquels se meuvent un personnage, un chien et un lion. On observe également la présence d’un masque (tête animale) et de grappes de raisins.
La coloration partielle des compartiments de la lettre, en jaune et vert, montre qu’elle est restée inachevée. L’usage alterné dans les titres des couleurs rouge-orangé (minium = oxyde de plomb) et verte (pigment contenant du cuivre) est typique des productions montoises du milieu du XIe siècle (années 1040-1050).
En haut, les moines mauristes (moines appartenant à la congrégation religieuse de saint Maur) ont ajouté au XVIIe siècle leur marque de possession (ex-libris) lorsqu’ils prêtèrent cette œuvre de saint Augustin à la maison mère de leur congrégation, située à Saint-Germain-des-Prés : « Ex monasterio Sancti Michaelis in periculo maris » (« Provient du monastère Saint-Michel au péril de la mer »).
Augustin (saint), Commentaire sur les psaumes
Origine : abbaye du Mont Saint-Michel, vers 980-1000
Possesseur médiéval : abbaye du Mont Saint-Michel
a lettre ornée ‘B’ de Brevis, de style carolingien et franco-saxon qui ouvre ce commentaire, ne présente pas encore d’influences anglo-saxonnes : les végétaux et les têtes animales « à bec d’oie ou de canard » sont encore très stylisés (tracé simple, sans recherche de relief ou d’imitation du réel). Comme pour les titres, le minium rouge-orangé (oxyde de plomb) sert à mettre en valeur le tracé de la lettre.
Après votre visite, amusez-vous à retrouver cette lettre ornée, reproduite en grand format sur les murs extérieurs du Scriptorial !
Ce volume contient les psaumes 119 à 133 du Commentaire sur les psaumes de saint Augustin. Copié à la fin du Xe siècle, il s’agit de l’un des plus anciens manuscrits produits par le scriptorium du Mont Saint-Michel. Il est possible que les moines montois aient possédé l’ensemble du Commentaire sur les psaumes de saint Augustin autour de l’an Mil (psaumes 1 à 150). La partie 1, correspondant aux psaumes 1 à 50, a été toutefois recopiée avec une mise en page et un décor plus soignés dans les années 1050 (voir le ms 76, présenté plus haut). La partie 3, correspondant aux psaumes 101 à 150, l’a été à son tour dans les années 1060-1070 (voir le ms 77, présenté plus loin). Les moines ont sans doute aussi recopié la partie 2, correspondant aux psaumes 51 à 100, au cours des années 1050-1060, mais ce volume, vraisemblablement décoré avec des lettres ornées romanes, ne nous est malheureusement pas parvenu.
Augustin (saint), Contra Juliani
Origine : abbaye du Mont Saint-Michel, années 1030-1040
Possesseur médiéval : abbaye du Mont Saint-Michel
a lettre ornée ‘B’ de Beatis, qui ouvre ce traité, présente des volutes végétales se développant avec relief et exubérance. La lettre compartimentée est munie de bagues rouge-orangé. Elle présente des entrelacs réguliers et symétriques à ses extrémités supérieure et inférieure. Pour la coloration, seul le minium rouge-orangé (oxyde de plomb) sert à rehausser l’encre noire. Personnages et animaux ne se mêlent pas encore aux tiges végétales et aux feuillages venant remplir les panses de la lettre ; cela devient courant à partir du milieu du XIe siècle.
Sur la page de gauche, l’écriture plus anguleuse, ainsi que l’usage de rouge vif (cinabre/vermillon = sulfure de mercure) et du vert (pigment à base de cuivre) révèle que nous avons affaire à une addition postérieure (XIIe siècle) : une table de contenu et des phrases extraites des Rétractations de saint Augustin ont été ajoutées sur cette page, qui était vierge à l’origine.
Avant d’envoyer ce manuscrit comportant des œuvres de saint Augustin, à Saint-Germain-des-Prés – maison mère de leur congrégation – dans la seconde moitié du XVIIe siècle, les moines mauristes du Mont Saint-Michel ont apposé l’ex-librisde leur établissement dans l’espace vierge situé entre le titre de l’œuvre et le début du traité : « Ex monasterio sancti Michaelis in periculo maris » (« Provient du monastère Saint Michel au péril de la mer »).
Augustin (saint), Commentaire sur les psaumes (partie 3/3)
Origine : abbaye du Mont Saint-Michel, années 1060-1070
Possesseur médiéval : abbaye du Mont Saint-Michel
ette belle lettre ornée ‘E’ de Ecce, tracée à l’encre noire, rouge et verte sur fond bleu révèle à la fois des influences carolingiennes et anglo-saxonnes. Elle se termine par des têtes animales crachant des volutes végétales, et sa panse, remplie de tiges végétales et de feuillages, comporte un lion, un oiseau et un dragon. On observe aussi la présence d’un masque léonin, de grappes de raisin et de feuilles trilobées. Les mêmes couleurs rouge (cinabre/vermillon = sulfure de mercure), verte (pigment à base de cuivre) et bleu (lapis-lazuli) sont également utilisées dans les titres.
Ce volume est l’un des trois manuscrits conservés du Commentaire sur les psaumes de saint Augustin (voir les manuscrits 76 et 78 présentés plus haut dans l’exposition). Il contient la troisième et dernière partie de ce commentaire, correspondant aux psaumes 101 à 150.
Cet ouvrage a servi au XVIIe siècle à la publication des œuvres de saint Augustin : les moines du Mont Saint-Michel ont apposé l’ex-libris de leur établissement (Ex monasterio sancti Michaelis in periculo maris : « Provient du monastère Saint Michel au péril de la mer ») avant de l’envoyer à la maison mère de leur congrégation, à Saint-Germain-des-Prés, pour qu’il soit collationné (comparé avec d’autres exemplaires du même texte) en vue de l’édition de l’œuvre. On voit encore les traits rouges ajoutés par les moines mauristes pour mettre en évidence tous les passages comportant des variantes par rapport aux autres témoins du commentaire de saint Augustin.
Augustin (saint), Contra Faustum
Origine : abbaye du Mont Saint-Michel, années 1050
Possesseur médiéval : abbaye du Mont Saint-Michel
gauche, scène de controverse (discussion, disputatio) : saint Augustin (à gauche et nimbé) et l’hérétique Fauste (à droite) débattent au sujet de l’interprétation de l’Écriture. Chaque interlocuteur tient un exemplaire de la Bible et argumente devant un groupe de disciples.
Les trois doigts levés de saint Augustin indiquent que celui-ci défend l’existence de la Trinité : pour lui, Dieu est à la fois le Père, le Fils et l’Esprit Saint. Ses deux doigts repliés symbolisent la double nature du Christ, à la fois divine et humaine.
En face de lui, Fauste pointe un seul doigt sur la Bible : il rejette l’existence de la Trinité et ne reconnaît la nature divine qu’en Dieu.
La tonsure des deux contradicteurs et de leurs disciples montre qu’il s’agit de clercs : la discussion oppose donc des hommes d’église, qui n’interprètent pas de la même façon le texte sur lequel se fonde leur foi.
Ce débat pacifique se démarque de celui, violent, représenté à la même époque à l’abbaye de la Trinité de Fécamp : Augustin transperce Fauste par la bouche à l’aide de sa crosse (ms. Paris, BnF, lat. 2079, f. 1v).
À droite, lettre ornée ‘F’ de Faustus : cette initiale compartimentée à entrelacs et têtes d’animaux est typique des décors montois d’influence anglo-saxonne (style dit « de Winchester ») produits entre le milieu et la fin du XIe siècle : un lion, un dragon, un oiseau et un homme se meuvent au sein de la végétation foisonnante qui remplit la panse de la lettre. Nous retrouvons ces trois animaux dans un grand nombre d’initiales ornées montoises contemporaines.
Héraclide, Vie des Pères
Origine : abbaye du Mont Saint-Michel, années 1060-1070
Possesseur médiéval : abbaye du Mont Saint-Michel
gauche, l’encadrement pleine page, s’inspirant du style anglo-saxon dit « de Winchester », est resté inachevé : les rosaces d’angle et les feuilles d’acanthe qui s’enroulent autour des barres verticales et horizontales ont été tracées à la plume et à l’encre noire, sans aucune coloration ; l’intérieur du cadre, resté vierge, était pourtant destiné à recevoir un décor. Il est intéressant de comparer cet encadrement inachevé avec celui produit au début du manuscrit 59.
À droite, l’initiale ornée ‘I’ de In hoc libro, avec ses entrelacs réguliers, ses compartiments et sa tête d’animal crachant des volutes végétales, est typique des productions montoises du milieu et de la seconde moitié du XIe siècle. L’usage du rouge vif (cinabre/vermillon = sulfure de mercure) plutôt que du rouge-orangé (minium = oxyde de plomb) et l’alternance de cette couleur avec le vert (pigment à base de cuivre) dans le titre permettent toutefois de dater cette production du dernier tiers du XIe siècle plutôt que des années 1040-1050. On observe également la présence de jaune, qui apparaît occasionnellement dans certains titres contemporains.
Le scribe qui a écrit ce volume est le moine Osberne, le copiste breton qui a participé à la production des manuscrits 103 et 146 dans le dernier tiers du XIe siècle. La grande proximité de l’écriture, du décor, des titres et de la mise en page avec le manuscrit 103, produit avant 1072, permet de dater le présent volume des années 1060-1070.
Isidore Mercator, Collection de décrets
Origine : abbaye du Mont Saint-Michel, années 1070-1080
Possesseur médiéval : abbaye du Mont Saint-Michel
ette initiale ornée ‘I’ de Isidorus Mercator, avec ses entrelacs réguliers, ses compartiments et ses têtes d’animaux crachant des volutes végétales, est proche de celle figurant dans le manuscrit 163, présenté ci-dessus. Le compartiment central de la lettre, habité d’oiseaux, de lions et de dragons, présente toutefois un décor plus riche, où apparaissent les trois types d’animaux les plus fréquemment représentés dans les productions montoises du milieu et de la seconde moitié du XIe siècle.
L’alternance du rouge vif (cinabre/vermillon = sulfure de mercure) et du vert (pigment à base de cuivre) dans les titres se retrouve dans la plupart des manuscrits produits au Mont Saint-Michel dans le dernier tiers du XIe siècle. Le décor secondaire, fait notamment d’initiales bicolores rouges et vertes (fol. 9, 16v, 19, 22v, etc.), est également représentatif de cette période.
Comme le manuscrit précédent (ms 163), le scribe qui a écrit ce volume est le moine Osberne, l’un des trois copistes bretons qui a aussi participé à la production du manuscrit 103 (les deux autres se nomment Ermenaldus et Nicholaus). La mise en page, l’écriture, le décor et les titres indiquent toutefois une production légèrement plus récente, sans doute réalisée dans les années 1070-1080.
Bible (Évangile de saint Luc)
Avranches, Bibliothèque patrimoniale, Ms 1, f. 209v-210r
Origine : Paris, vers 1220-1230
Possesseur médiéval : abbaye du Mont Saint-Michel
a taille, la mise en page et le décor d’un livre dépendent de son usage, comme le montre la comparaison de ces deux Bibles.
Le commanditaire de cette Bible souhaitait réunir, en un seul volume, l’ensemble des livres constituant l’Ancien et le Nouveau testaments. Cela explique la taille modeste du volume, le petit module de l’écriture ainsi que l’usage de nombreuses abréviations. Ce manuscrit se démarque aussi par la grande sobriété de son décor : absence de lettres ornées et historiées ; présence de simples initiales filigranées rouges et bleues.
Cette Bible était vraisemblablement destinée à un usage individuel et privé, pour une lecture silencieuse ou à voix basse. Elle a été copiée vers 1220-1230 (f. 1-248), puis a été complétée vers 1270-1290 (f. 249-280). Comme l’indiquent les notes ajoutées aux f. 1 et 280v, elle fut acquise pour la somme importante de 10 livres de Paris par maître Jean Hellequin, qui en fit don au moine du Mont Saint-Michel Jean Énete en 1317 (« Ista Biblia est fratris Iohannis Enete, monachi monasterii Montis Sancti Michaelis in periculo maris, quam magister I[ohannis] Hellequin dedit dicto monacho, et constitit X libris Parisiensium » et « Anno Domini M°CCC°XVII, die martis post translationem beati Benedicti, in julio »).
Dans la partie supérieure, le titre courant « LUCAS » et dans le corps du texte, le titre de fin (« Explicit evangelium secundum Marcum ») ainsi que le titre de début (« Incipit evangelium secundum Lucam ») signalent que nous nous trouvons à la fin de l’Évangile de saint Marc et au début de l’Évangile de saint Luc. Aucun décor n’a été prévu pour mettre en valeur le début du texte.
Bible (Évangile de saint Luc)
Avranches, Bibliothèque patrimoniale, Ms 3, f. 222v-223r
Origine : Mont Saint-Michel, vers 1230
Possesseur médiéval : abbaye du Mont Saint-Michel
a taille monumentale de ce volume, la qualité du parchemin, l’écriture calligraphiée (très régulière et en gros module), les espaces importants entre chaque ligne, la mise en page soignée et la richesse du décor (usage de la feuille d’or et du bleu de lapis-lazuli) révèlent que nous avons affaire à un ouvrage luxueux. Cette Bible était donc un livre d’apparat, destiné à être montré : elle devait servir à un usage communautaire, pour des lectures à voix haute en public, vraisemblablement effectuées dans l’abbatiale.
Le texte débute par une superbe lettre ‘P’ ornée d’un taureau, symbole de l’évangéliste Luc : nous sommes au début de l’Évangile de saint Luc, comme le rappelle également le titre courant « Lucas » inscrit dans la marge supérieure.
Il s’agit du second volume d’une Bible en deux parties. Ce second volume comporte 107 lettres enluminées, dont 59 historiées et 48 ornées. Le premier volume (non exposé) comporte 33 lettres enluminées, dont 27 historiées et 6 ornées. Cette Bible est l’ouvrage le plus richement enluminé produit par le scriptorium du Mont Saint-Michel. Elle a été décorée à la feuille d’or par le même artiste que celui qui a enluminé le missel Avranches, Bibliothèque patrimoniale, ms 42. Ces trois manuscrits sont des chefs-d'œuvre des débuts de l'enluminure gothique. Spécialiste de l’iconographie et de l’enluminure à l’Institut de Recherche et d’Histoire des Textes (IRHT), Patricia Stirnemann les considère comme des productions du scriptorium du Mont Saint-Michel sous l’abbé Raoul de Villedieu (v. 1223/5-1236), commanditaire probable du cloître gothique de la Merveille.
Jacques de Voragine, Légende dorée
Avranches, Bibliothèque patrimoniale, Ms 165, f. 1r et 2r
Origine : Nord-Ouest de la France, XIVe siècle
Possesseur médiéval : abbaye du Mont Saint-Michel
acques de Voragine (vers 1228-1298), archevêque de Gênes, est l’auteur d’un ouvrage célèbre racontant la vie de nombreux saints, saintes et martyrs chrétiens. Connue sous le nom de Légende dorée, cette œuvre s’est très largement diffusée en Occident du XIIIe au XVe siècle.
Le premier feuillet de ce volume, endommagé, laisse apparaître la lettre ornée de la page suivante. Les deux lettres ornées visibles, de couleur bleue, rose et dorée, ont un style typique des productions du XIVe siècle.
Ces deux grandes lettres sont des initiales champies, même si ces dernières sont habituellement plus petites. Les initiales champies sont des lettres ornées souvent dorées et peintes en rose et bleu, et dont le centre est décoré de végétaux (feuilles de vigne ou feuilles trilobées) et de motifs filiformes. Les lettres champies apparaissent au XIVe siècle, époque où elles connaissent rapidement un grand succès. On les rencontre encore très communément au XVe siècle.L’analyse prochaine aux rayons X de l’encre ferro-gallique (encre constituée d’eau, de noix de galle et de différents sulfates, dont le sulfate de fer) utilisée par le copiste devrait permettre à l’équipe du Centre de Recherche sur la Conservation de déterminer si nous avons affaire à une production du premier quart du XIV e siècle ou à une copie plus récente.Le morceau de parchemin collé en bas du folio 2 provient de l’ancienne reliure, qui comportait la cote V7 ajoutée par le moine mauriste Anselme Le Michel lors de son passage au Mont Saint-Michel en 1639.
Barthélemy de Urbino, Milleloquium Ambrosii
Origine : inconnue, seconde moitié du XVe siècle
Possesseur médiéval : abbaye du Mont Saint-Michel
es quatre volumes du Milleloquium Ambrosii de Barthélemy de Urbino, copiés dans la seconde moitié du XVe siècle, sont les seuls manuscrits provenant de l’abbaye du Mont Saint-Michel antérieurs à 1500 à utiliser le papier comme support (les autres utilisent tous du parchemin). Ce volume correspond au dernier des quatre tomes (le premier tome est perdu ; les tomes 2, 3 et 4 sont conservés à Avranches, respectivement sous les cotes 63, 64 et 65).
Le parchemin, confectionné avec de la peau animale (mouton, bovin [veau, vache, bœuf], etc.) constitue le support privilégié pour la confection des manuscrits occidentaux au Moyen Âge. Le papier, inventé en Chine avant notre ère, et déjà en usage dans le monde méditerranéen oriental au IIIe siècle, commence à être employé en Occident à partir de la première moitié du XIVe siècle. Il faut cependant attendre l’invention de l’imprimerie à caractères mobiles, au milieu du siècle suivant, pour que ce support commence à véritablement s’imposer dans la production de livres.
Barthélemy de Urbino ( 1350) a composé deux recueils regroupant des travaux des Pères de l’Église par thème, suivant un classement alphabétique : le Milleloquium Augustini (qui reproduit quelques 15 000 citations de saint Augustin, évêque d’Hippone, classées sous 1081 entrées) et le Milleloquium Ambrosii (organisation thématique des travaux de saint Ambroise, évêque de Milan).
On observera l’ex-libris, inscrit verticalement entre les deux colonnes du feuillet de droite : « Ex libris sancti Michaelis in periculo Maris » (« Appartient à Saint-Michel au péril de la mer »). Cette marque de possession a été ajoutée au XVIIe siècle par les moines de la Congrégation de Saint-Maur, qui ont réformé l’abbaye du Mont Saint-Michel en 1622.