Bibliothèque virtuelle
duMont Saint-Michel

Exposition d’été – juillet-septembre 2017

Grégoire le Grand, Moralia in Job (livres XVII à XXXV)

Mont Saint-Michel, vers 990-1020

Les Moralia in Job sont un commentaire biblique sur le Livre de Job composé par Grégoire le Grand quelques années avant son accession à la papauté (590-604). Ce commentaire s’est imposé au Moyen Âge comme un ouvrage de référence : rares sont les bibliothèques monastiques à ne pas avoir possédé un exemplaire de cette œuvre monumentale, constituée de 35 livres (le plus souvent répartis en 2 volumes, comme c’est le cas ici).

Le grand D oncial, qui ouvre le 29e livre des Moralia, trahit l’influence carolingienne du modèle employé. Les 450 pages du volume, écrites à double colonne, ont été copiées pour l’abbaye du Mont Saint-Michel par les moines Martin et Gautier, actifs sous l’abbé Mainard II (991-1009). Le deuxième de ces scribes précise qu’il a effectué ce travail « à Saint-Julien » (in loco Sancti Juliani). L’identification de ce lieu reste énigmatique. L’association spirituelle étroite qui unit, autour de l’an Mil, le monastère normand à celui de Saint-Julien de Tours offre une piste solide en faveur de ce monastère du bord de Loire. L’abbaye du Mont Saint-Michel possède toutefois un riche patrimoine dans le Maine, ce qui ouvre aussi des perspectives intéressantes en faveur de la cathédrale Saint-Julien du Mans. D’autres hypothèses, moins convaincantes, ont été envisagées par les historiens. Seule une étude approfondie de la tradition textuelle permettrait de déterminer la provenance du modèle utilisé et d’identifier ainsi le lieu probable de la copie.

Bède le Vénérable, Commentaires sur Marc et sur Luc

Mont Saint-Michel, vers 1040-1055

Cette lettre ornée S, produite au Mont Saint-Michel, se rapproche des productions réalisées à la Trinité de Fécamp au milieu du XIe siècle. Les artistes des deux monastères s’inspirent de modèles anglo-saxons (style de Winchester) mais personnalisent leurs décors en introduisant animaux et personnages au sein de la végétation foisonnante qui se déploie dans le corps des lettres. Ce détail iconographique du « rinceau habité » se retrouve bientôt dans les principaux scriptoria normands de la seconde moitié du XIe et de la première moitié du XIIe siècle. Dans cet exemple, deux hommes armés d’une épée combattent des lions et des créatures sauvages. On note la présence d’un personnage plus inhabituel : entièrement nu (seule la végétation dans laquelle il évolue dissimule son sexe), affublé de deux cornes et d’une barbe pointue, il est le symbole du monstre (ou du païen) n’ayant pas reçu la parole de Dieu.

 

 

 

Boèce, De la Trinité

Mont Saint-Michel, vers 1070-1090

Ce volume a vraisemblablement été produit au Mont Saint-Michel sous l’abbé Renouf (v. 1060-1084). Il comporte notamment des titres alternant des lettres rouges (vermillon) et vertes, comme cela était fréquent durant cet abbatiat.

La composition du décor s’articule ici autour de l’initiale X de XPI, une abréviation usuelle en grec pour désigner le Christ. Ce dernier, figuré au centre, est entouré des quatre évangélistes (thème du Christ tétramorphe), représentés symboliquement par l’aigle (Jean), le lion (Marc), l’homme (Matthieu) et le taureau (Luc). Le dessin, tracé à la plume, a été rehaussé à la feuille d’or, pratique inhabituelle au Mont Saint-Michel à cette époque. L’importance de ce traité, dédié à la Trinité, pourrait avoir motivé ce choix : nous retrouvons en effet le même usage de l’or que dans le traité de saint Augustin sur la Trinité copié vers la même époque par les moines du Mont Saint-Michel pour ceux de l’abbaye de la Trinité de Fécamp (Paris, BNF, Latin 2088, v. 1055-1080).

 

 

Fréculf de Lisieux, Chronique

Mont Saint-Michel, milieu du XIIe siècle

Robert de Torigni, moine du Bec (1128-1154) puis abbé du Mont Saint-Michel (1154-1186), est sans doute le commanditaire de la copie de cette chronique universelle exécutée au milieu du XIIe siècle. Lui-même auteur d’une chronique prenant la suite de celles d’Eusèbe, de Jérôme et de Sigebert de Gembloux, Robert de Torigni ne pouvait être indifférent à l’œuvre de l’évêque Fréculf de Lisieux. Composée à la fin des années 820, cette dernière relate les faits survenus depuis la Genèse jusqu’à la mort de Grégoire le Grand en 604.

Dans cette initiale H, un évêque fait un signe de bénédiction pour soumettre (et tenter de convertir ?) le diable, qui se présente nu devant lui avec une barbe, des cornes et une queue. L’évêque est quant à lui coiffé d'une mitre à fanons (il s'agit de l'une des plus anciennes représentations) et porte la crosse épiscopale qui lui sert de bâton pastoral.

 

 

Cicéron, Traité des devoirs

?, seconde moitié du XIIe siècle

Le De officiis (« Traité des devoirs »), dernier écrit philosophique de Cicéron, est un ouvrage politique traitant d'éthique. Composé quelques mois seulement après l'assassinat de Jules César (en 44 av. J.-C.), l’auteur l’adresse à son fils Marcus, qui étudiait alors la philosophie à Athènes. Il l’écrit cependant à destination d’un plus large public, « la nouvelle génération » invitée à reprendre la gestion de la République.

Cicéron donne dans son œuvre des indications précises sur les sources grecques qu’il a mobilisées dans son traité. Son ouvrage a connu un très grand succès durant l’Antiquité et le Moyen Âge. Il nous est toutefois parvenu exclusivement grâce à des copies médiévales : environ 700 exemplaires, allant du VIIIe siècle (fragments) à l'invention de l'imprimerie, sont conservés. La majorité de ces manuscrits date des XIIe, XIIIe et XVe siècles.

 

 

Épîtres de saint Paul, avec glose

Avranches, BM, 30, ff. 86v-87r

Mont Saint-Michel, seconde moitié du XIIe siècle

Apartir du milieu du XIIe siècle, les livres de la Bible sont couramment accompagnés de commentaires normalisés faisant autorité : la glose ordinaire. Celle-ci est traditionnellement ajoutée en plus petit module, de part et d’autre du texte biblique (glose marginale) et entre les lignes (glose interlinéaire), comme c’est le cas dans cet exemplaire des Épîtres de saint Paul.

Cette lettre ornée témoigne de la liberté dont jouit l’enlumineur d’un manuscrit médiéval. La panse du P est occupée par un visage humain. Certains lecteurs y verront peut-être une représentation du visage de l’apôtre Paul, car cette initiale rouge ouvre le texte « Paulus apostolus Christi ». Il s’agirait donc dans ce cas d’une lettre historiée. Il est toutefois vraisemblable que ce décor n’ait pas de rapport direct avec le texte : à partir du XIIe siècle, des têtes et des visages humains impersonnels sont souvent représentés dans les initiales monochromes de modeste facture, ce qui semble être le cas ici.

 

 

Livre de l’Exode, avec glose

Mont Saint-Michel, dernier tiers du XIIe siècle

Comme dans le manuscrit précédent (ms 30), ce texte de la Bible (Livre de l’Exode) est accompagné de la glose ordinaire, commentaire normalisé ajouté en plus petit module en marge et en interligne.

La lettre ornée H, représentant un homme se saisissant d’un dragon par le cou, a été maladroitement surchargée d’un fond d’or, ce qui en rend la lecture difficile. Il s’agit de l’un des rares exemples de décor peint produit par le scriptorium du Mont Saint-Michel dans le dernier tiers du XIIe siècle, période de déclin de l’enluminure montoise.

 

 

Livre des Juges, avec glose

Paris ?, première moitié du XIIIe s.

Cette belle initiale P, ornée de deux têtes de jeunes clercs tonsurés sur fond d’or, débute le Livre des Juges, comme le rappelle le titre courant « IUDICUM » inscrit en haut du feuillet de droite. Le texte s’ouvre par « Post mortem Josué », c’est-à-dire « Après la mort de Josué… ». Le Livre des Juges fait en effet directement suite au Livre de Josué, qui compose la première partie de ce volume (on remarque le début du titre courant « IO[SUE] » en haut du feuillet de gauche). Le texte biblique est écrit au centre, tandis que la glose ordinaire a été ajoutée de part et d’autre, en plus petit module.

 

 

 

Bible

Mont Saint-Michel, vers 1230

Ce volume est le premier des deux volumes d’une Bible copiée au Mont Saint-Michel. Il comporte 33 lettres enluminées (dont 27 historiées et 6 ornées), tandis que le second en contient 107 (dont 59 historiées et 48 ornées), ce qui en fait l’ouvrage le plus richement enluminé produit au Mont. Cette Bible a été décorée à la feuille d’or par le même artiste que celui qui a enluminé le missel Avranches, Bibliothèque patrimoniale, ms 42 (également présenté dans l’exposition temporaire du Scriptorial jusqu’au 20 août). Ces trois manuscrits sont des chefs-d'œuvre des débuts de l'enluminure gothique. Spécialiste de l’iconographie et de l’enluminure à l’Institut de Recherche et d’Histoire des Textes (IRHT), Patricia Stirnemann les considère comme des productions du scriptorium du Mont Saint-Michel sous l’abbé Raoul de Villedieu (v. 1223/5-1236), commanditaire probable du cloître gothique de la Merveille.

Cette initiale I représente, sur un fond d’or épais, dix scènes de la Genèse dans des médaillons : les sept dons du Saint-Esprit ; Dieu en majesté ; la séparation de la lumière et des ténèbres ; la séparation des eaux ; la création des astres, des oiseaux et des poissons ; la création d'Adam et Ève ; la tentation ; la chute d'Adam et Ève.

 

 

Pierre le Chantre et Bède le Vénérable, Commentaires

Avranches, BM, 17, ff. 28v-29r

Mont Saint-Michel, XIIIe siècle

Cette double page d’un volume copié au XIIIe siècle offre un bel aperçu de la mise en page en usage dans un manuscrit médiéval.

Sur le feuillet de gauche (f. 28v), le premier texte s’achève par la formule « Explicit Daniel propheta deo gratias », inscrite à l’encre rouge. Il est immédiatement suivi d’un colophon, note finale où le moine-copiste précise son nom : « celui qui m’a écrit avait pour nom Jacob » (« Qui me scribebat Iacobus nomen habebat »).

Sur le feuillet de droite (f. 29r), une rubrique rouge introduit le titre de l’ouvrage (repris en titre courant en marge supérieure, dans une forme simplifiée). La première colonne de texte, qui s’ouvre par une initiale D rouge, correspond à la préface et se termine par un « explicit prefacio », rubriqué dans la même couleur. La seconde colonne contient une table des matières, où chaque titre de chapitre s’ouvre par une initiale de couleur alternativement rouge et bleue et est numéroté en chiffres romains rouges. La pagination, si utile aujourd’hui pour se repérer au sein d’un ouvrage, est encore inexistante au Moyen Âge : celle que l’on peut voir dans le coin supérieur droit a été ajoutée au XIX e siècle.

 

Raoul de [Saint-Germer-de-]Fly, Exposition sur le Lévitique

Avranches, BM, 6, f. 175v

Mont Saint-Michel, XIIIe siècle

Cette lettre A filigranée rouge vermillon et bleu azur est caractéristique des productions gothiques du XIIIe siècle. Ce réseau, fait de fins filaments qui entourent la lettre initiale, participe activement au décor du manuscrit. Les lettres filigranées sont rarement réalisées dans d'autres couleurs que le bleu et le rouge (l'or n’intervient que dans les manuscrits plus prestigieux). Avec l'abandon des entrelacs et des rinceaux végétaux (éléments emblématiques du décor de l’époque romane), la lettre filigranée ramène le vocabulaire ornemental vers une esthétique plus géométrique, faite de lignes, de cercles, de crochets, etc.

Ce manuscrit, restauré en 2014, peut à nouveau être présenté au public. Les restaurations ont porté principalement sur la reliure : les deux plats (parties supérieure et inférieure de la couverture) étaient autrefois détachés du corps de l’ouvrage.

 

 

Livre de droit civil

Avranches, BM, 138, reliure (v. 1660)

?, XIIIe s.

La reliure très endommagée de ce manuscrit permet d’observer des éléments habituellement cachés sous celle-ci.

Les plats supérieur et inférieur sont en grande partie détachés du dos, qui ne subsiste que très partiellement. Cela permet d’apercevoir les 25 cahiers reliés les uns aux autres par des fils cousus autour de 6 nerfs doubles en cuir. Ces derniers étaient autrefois fixés sur les ais en carton des deux plats. Les entre-nerfs ont été renforcés par des bandes de tissu blanc. Les tranchefiles, situés en tête (haut du dos) et en queue (bas du dos), ne sont plus protégés car les coiffes ont disparu.

Afin de préserver le volume, une restauration de cette reliure mauriste du XVIIe s. (vers 1660) est indispensable. Elle sera programmée d’ici 2024.

 

Chronique de Nuremberg

Nuremberg, Anton Koberger, 1493

La Chronique de Nuremberg (en latin : Liber chronicarum) est un livre écrit en latin par Hartmann Schedel et publié à Nuremberg, en Allemagne, en 1493.

Il s’agit de l’un des premiers livres imprimés (incunable) à intégrer avec succès textes et images. Le livre comporte au total 1 809 gravures sur bois, faisant des Chroniques l'un des premiers travaux d'impression densément illustrés. Certaines représentations de villes sont fidèles, d’autres ne sont que symboliques. Comme pour d'autres livres de cette période, beaucoup de gravures, représentant des villes, des batailles ou des rois, furent utilisées à plusieurs reprises dans l’ouvrage : les 600 pages de ce volume ne comptent en réalité « que » 645 gravures originales.

Cette double page offre une représentation fidèle de la ville de Venise, adaptée d’après une gravure plus large d’Erhard Reuwich (publiée en 1486 dans le premier livre de voyage illustré : le Sanctae Perigrinationes).