Bibliothèque virtuelle
duMont Saint-Michel

Exposition d’hiver – février-mars 2018

Histoires de l’abbaye du Mont Saint-Michel

Mont Saint-Michel, vers 1000-1020

Cet épais volume est un recueil rassemblant plusieurs manuscrits importants copiés au Mont Saint-Michel entre l’an mil et le XVe siècle. Les textes fondateurs de l’abbaye s’y trouvent réunis sous la même reliure :

  • apparition de l’archange saint Michel sur le Mont Gargan (Italie) en 506 (Liber de apparitione sancti Michaelis in Monte Gargano) ;
  • fondation du Mont Saint-Michel par l’évêque d’Avranches Aubert en 708 (Revelatio ecclesiae sancti Michaelis archangeli in Monte Tumba) ;
  • installation des moines bénédictins au Mont Saint-Michel en 965 (Introductio monachorum) ;
  • translation des reliques de saint Aubert (De translatione et miraculis beati Autberti) ;
  • miracles advenus au Mont Saint-Michel (Miracula sancti Michaelis) ;
  • récit de l’évêque de Dol, Baudry de Bourgueil, sur le bouclier et l’épée miniatures de l’archange (De scuto et gladio).

Ce précieux volume renferme également des Annales du Mont Saint-Michel, copiées par un moine anonyme en 1116, puis complétées par plusieurs continuateurs et interpolateurs, dont l’abbé Robert de Torigni (1154-1186).

Liber de apparitione sancti Michaelis in Monte Gargano

Mont Saint-Michel, vers 1000-1020

Ce texte a été copié peu après l’an mil par le moine Hervardus et raconte l’apparition de saint Michel sur le Mont Gargan en Italie, survenue en 506. Le récit s’ouvre sur une belle lettre ornée – M de Memoriam – écrite en onciale.

Avant le milieu du XIe siècle, les manuscrits produits dans les scriptoria normands sont généralement peu enluminés. Le décor, où les influences précarolingienne et carolingienne (style franco-saxon) prédominent, se limite le plus souvent à quelques initiales rudimentaires et à des titres rubriqués en minium rouge-orangé (minium = oxyde de plomb). Ici, les enlumineurs ont eu recours à d’autres couleurs, ce qui est rare pour l’époque : bleu pâle (indigotine ou lapis-lazuli ?), doré (feuille d’or ou mélange à base de cuivre ?), rose pâle et blanc (pigments indéterminés). Les entrelacs et les têtes de chiens sont imités de l’art insulaire (style anglo-saxon et irlandais). Cet usage inhabituel de couleurs révèle l’importance que les moines du Mont accordaient à ce texte, qui raconte la première apparition de l’archange en Occident et préfigure ainsi sa seconde apparition au Mont Saint-Michel deux siècles plus tard. Il se pourrait toutefois que les couleurs bleue, dorée et blanche soient des ajouts postérieurs au décor primitif, simplement tracé en minium rouge-orangé.

Haimon d’Auxerre, Commentaire sur les Épîtres de saint Paul

Avranches, BM, 115, ff. 1v-2r

Mont Saint-Michel, vers 1010-1030

Ce manuscrit a été copié dans le premier tiers du XIe siècle par plusieurs scribes dont le moine Hervardus, cité précédemment. Il commence par une lettre ornée de style carolingien tracée à la plume avec des encres brune et rouge orangée (minium). Le texte comporte de nombreux titres rubriqués et des initiales monochromes de couleur rouge-orangée, présentation classique pour l’époque.

Deux décors se démarquent toutefois par leur influence anglo-saxonne et l’usage d’autres couleurs. En tête d’ouvrage (f. 1v), un encadrement pleine page bleu et rose pâles, surmonté de quatre médaillons (malheureusement très effacés), contient un titre tracé en capitales romaines et onciales de couleur rouge-orangée (minium), bleue pâle et pourpre. Au milieu du volume (f. 67r), une lettre compartimentée P à entrelacs, têtes de chiens et feuillages a été colorée en bleu foncé, bleu pâle, lilas et rose pâle. Nous retrouvons certaines des couleurs déjà observées dans le manuscrit précédent. Afin d’identifier les pigments utilisés par le scriptorium montois à cette époque, la possibilité d’une analyse des couleurs au moyen de la microspectométrie Raman est actuellement en cours d’étude.

Ces deux premiers manuscrits témoignent de la réception précoce de l’influence anglo-saxonne (style dit de « Winchester ») dans l’enluminure normande. Palpable dès le premier tiers du XIe siècle, elle s’observe plus aisément à partir du second tiers de ce siècle, soit avant la conquête de l’Angleterre par Guillaume le Conquérant en 1066.

Ambroise (saint), Commentaire sur saint Luc

Avranches, BM, 59, ff. 1v-2r

Mont Saint-Michel, vers 1030-1045

L’influence anglo-saxonne apparaît de manière plus évidente dans ce troisième manuscrit : ce bel encadrement à feuilles d’acanthe, palmettes et rosettes, coloré en bleu et jaune, est une imitation des manuscrits de luxe produits dans le sud de l’Angleterre aux Xe et XIe siècles. Plusieurs manuscrits richement enluminés dans le style de « Winchester » étaient présents en Normandie dès la première moitié du XIe siècle. Parmi les témoins les plus somptueux, il convient de mentionner :

  • le Bénédictionnaire de l'archevêque Robert de Rouen (989-1037) : ms Rouen, BM, 369 [Y. 7] ;
  • le Sacramentaire de l’évêque de Londres (1044-1050), Robert de Jumièges : ms Rouen, BM, 274 [Y. 6] ;
  • les Évangiles de Fécamp, dont les enluminures ont malheureusement été grossièrement découpées : ms Paris, BnF, lat. 272.

Nous retrouvons des imitations d’encadrements comparables dans plusieurs autres manuscrits produits dans les scriptoria normands du XIe siècle :

  • la grande Bible de Fécamp (ms Rouen, BM, 1 [A. 4]) ;
  • le Sacramentaire du Mont Saint-Michel (ms New York, Pierpont Morgan Library, 641) ;
  • le Contra Faustum de Fécamp (ms Paris, BnF, lat. 2079)
  • la Cité de Dieu de Fécamp, enluminée au Mont Saint-Michel (ms Paris, BnF, lat. 2088) ;
  • les Évangiles de Préaux (ms Londres, British Library, add. 11850).

Augustin (saint), Commentaire sur la Genèse

Avranches, BM, 75, ff. Cv-1r

Mont Saint-Michel, vers 1050-1055

Au milieu du XIe siècle, les artistes du Mont Saint-Michel vont introduire la couleur verte dans leurs décors (enluminures pleine page et lettres ornées). Cette couleur va rapidement s’imposer, aux côtés du rouge-orangé (minium) puis du rouge vif (vermillon), dans les initiales de couleur et les titres, au point de devenir l’une des marques de fabrique des scriptoria normands de la seconde moitié du XIe et du XIIe siècle.

À gauche, l’enluminure pleine page représente saint Augustin (354-430), nimbé, composant son commentaire sur la Genèse sous l’inspiration d’un ange tenant les Saintes Écritures. Augustin trempe sa plume dans son encrier et écrit le texte que nous retrouvons dans la partie de droite, à partir de la lettre ornée O : Omnis scriptura divina bipertita est (« Toute écriture divine se divise en deux parties »).

Les représentations des Pères de l’église dans les enluminures normandes se rencontrent principalement dans les années 1050-1060, dans le contexte de la controverse eucharistique ayant opposé les écolâtres Bérenger de Tours et Lanfranc du Bec (débat sur la présence symbolique plutôt que réelle du corps et du sang du Christ lors de la célébration du mystère de l’Eucharistie). La doctrine de Bérenger a été condamnée à plusieurs reprises par l’Église entre 1050 et 1080. L’écolâtre affirmait que son interprétation était conforme à celles des Pères, ce qui créa un profond malaise : « si tu tiens pour hérétique Jean Scot, dont j'approuve la doctrine sur l'Eucharistie », écrit Bérenger à Lanfranc, « tu dois également regarder comme hérétiques saint Ambroise, saint Jérôme et saint Augustin pour ne pas parler des autres ». Certaines communautés religieuses, à commencer par les moines du Mont Saint-Michel et de la Trinité de Fécamp, jugèrent alors pertinent de rappeler, dans des enluminures placées en tête des traités d’Augustin, d’Ambroise et de Grégoire, que les Pères avaient composé leurs œuvres sous l’inspiration divine.

Ratramne de Corbie et Paschase Radbert, De corpore et sanguine Domini (extraits)

Avranches, BM, 109, ff. 74v-75r

Mont Saint-Michel, milieu du XIe siècle

La controverse eucharistique initiée au milieu du XIe siècle par l’écolâtre Bérenger de Tours (998-1088) reprend et prolonge un débat plus ancien ayant opposé les moines Ratramne de Corbie († 868) et Paschase Radbert († 865) au cours de la Renaissance carolingienne. Ce volume contient des passages polémiques tirés des traités de ces deux auteurs : des extraits du De corpore et sanguine Domini de Ratramne de Corbie (ff. 74rv et 210rv) et des citations du De corpore et sanguine Domini de Paschase Radbert (f. 75r).

Le fait qu'une partie de chaque texte ait été barrée et effacée, puis qu'une note marginale ait été ajoutée (f. 75r : « Qui cancellauit, pro falsis uera notauit », c’est-à-dire « Celui qui a biffé a pris pour faux le vrai ») est symptomatique du trouble et des débats qui eurent lieu au Mont Saint-Michel dans les années 1050-1080 au sujet de la présence symbolique ou réelle du corps et du sang du Christ lors du mystère de l’Eucharistie. Autre preuve de l’intérêt des moines montois pour cette controverse, à laquelle pris part Anastase le Vénicien (av. 1010-v. 1085), nous retrouvons les rétractations de l’écolâtre Bérenger de Tours (prononcées notamment lors des conciles de Rome de 1059 et de 1079) dans quatre manuscrits du Mont Saint-Michel : Avranches, BM, ms. 16 (f. 82), 84 (f. 99r-99v), 107 (f. 157v) et 149 (f. 135v).

Grégoire le Grand (saint), Homélies

Avranches, BM, 103, ff. 4v-5r

Mont Saint-Michel, années 1060-1070 (avant 1072)

Cette enluminure pleine page représente saint Grégoire (v. 540-604) composant ses homélies sous l'inspiration de l'Esprit Saint, figuré par une colombe lui parlant à l'oreille (thème traditionnellement associé à la composition de ses homélies sur Ézéchiel). Grégoire, qui est nimbé, écrit à la plume sur un rouleau. L’encre rouge utilisée pour tracer le dessin et son association à la couleur verte (ici pour le fond) sont des usages fréquents au Mont Saint-Michel sous l’abbé Renouf (1060/1-1083/4). Au cours des années 1060, le rouge-orangé (minium) a été remplacé par le rouge vif (vermillon).

D’après le colophon apposé en fin de volume (f. 220), six moines copistes se sont relayés pour écrire ce manuscrit : Gualterius, Hilduinus, Scollandus, Ermenaldus, Osbernus et Nicholaus. Leur mise en page et leur calligraphie soignées sont normalisées, si bien qu’il est difficile, voire impossible, d’observer les changements de main et d’identifier ainsi chaque copiste. L’un d’entre eux, Écoullant (Scollandus), est devenu abbé de Saint-Augustin de Cantorbéry en 1072, ce qui permet de dater la copie de cet ouvrage entre le début des années 1060 et le début des années 1070.

Eugippe, Compilation d’extraits des œuvres de saint Augustin

Avranches, BM, 35, ff. 75v-76r

Mont Saint-Michel, années 1065-1080

L’abbé Eugippe (v. 465-apr. 533), connu pour la rédaction d’une Vie de saint Séverin de Norique, fut également l’auteur d’une compilation d'extraits des œuvres de saint Augustin. Celle-ci s’ouvre par des passages tirés du commentaire de saint Augustin sur la Genèse. Eugippe cite mot pour mot le début de ce commentaire : Omnis scriptura divina bipertita est (« Toute écriture divine se divise en deux parties »). Nous retrouvons ainsi le même texte que celui débutant le Commentaire sur la Genèse de saint Augustin présenté dans cette même exposition (ms 75).

La présentation de ce manuscrit correspond à celle généralement adoptée durant l’abbatiat de Renouf (1060/1-1083/4). Le rouge vif (vermillon, qui remplace désormais le minium) et le vert sont utilisés conjointement pour rubriquer les titres (en alternant ces deux couleurs), pour tracer les initiales monochromes, pour décorer les lettres ornées ou encore pour numéroter les chapitres (comme dans la fin de la table qui apparaît en haut du f. 75v). L’usage de compartiments, de bagues et de feuillages foisonnant sont typiques des productions du scriptorium du Mont Saint-Michel du milieu et de la seconde moitié du XIe siècle.

Plusieurs additions méritent d’être observées sur cette double page. À gauche, dans la partie supérieure, une table de contenu a été ajoutée par un moine mauriste au XVIIe s. En-dessous, l’ex-libris du monastère a été inscrit vers la même époque : « Ex monasterio Sancti Michaelis in periculo maris ». En marge, un auteur du XIIe siècle, qui semble être l’abbé Robert de Torigni (1154-1186), a ajouté une note permettant d’identifier l’auteur et l’œuvre. À droite, en marge, une main de la première moitié du XVIIIe siècle a ajouté la cote de Bernard de Montfaucon, permettant d’identifier le manuscrit dans la bibliothèque mauriste : « n. 70 ».

Épîtres de saint Paul

Mont Saint-Michel, premier tiers du XIIe siècle

Ce recueil regroupe au moins trois manuscrits copiés aux XIIe et XIIIe siècles. Deux d’entre eux portent encore les cotes SS4 et S10 signalées par dom Anselme Le Michel en 1639 (ff. 1r et 122r). Ils furent réunis vers 1660, lors de la confection de la reliure par les moines de la congrégation de Saint-Maur. La fin du volume (ff. 59r-232v) réunit un ensemble de matériaux utiles à la prédication, dont un bestiaire (f. 179r-181r).

Le début du volume (ff. 1r-58v) contient les quatorze Épîtres de saint Paul. Le titre Lettre de saint Paul aux Romains (« Incipit epistola Pauli apostoli ad Romanos »), alternant le rouge vif (vermillon) et le vert, est typique des productions montoises de la seconde moitié du XIe et de la première moitié du XIIe siècle. L’écriture caroline anguleuse et ramassée, aux lettres descendantes et ascendantes peu développées, est celle d’une main du XIIe siècle. Le style de lettre ornée rouge, verte et bleue correspond au décor de la première moitié de ce siècle. L’usage de la pointe sèche pour la réglure, qui a laissé de profonds sillons sur le parchemin, permet de dater cette partie du manuscrit du premier tiers (voire du premier quart) du XIIe siècle.

Jérôme (saint), Commentaire sur les prophètes

Mont Saint-Michel, deuxième tiers du XIIe siècle

Ce commentaire de saint Jérôme (v. 347-420) sur le livre des prophètes débute par une belle lettre ornée D aux couleurs vives rose et dorée (feuille d’or) sur fond bleu (lapis-lazuli). La panse de la lettre est quant à elle remplie de feuillages aux tiges vertes et aux extrémités rouges et roses. Le reste de l’ouvrage ne comporte que de simples initiales de couleurs rouge et verte. Contrairement aux usages de la seconde moitié du XIe siècle et de la première moitié du XIIe siècle – où les titres alternés rouge et vert prédominent – les titres sont ici simplement rubriqués en rouge.

Avant le second quart du XIIe siècle, la mise en page des manuscrits normands était systématiquement réalisée à la pointe sèche, qui marque de profonds sillons sur le parchemin. La réglure est ici tracée à la mine de plomb, qui laisse visible des traits de couleur grise comparables à ceux que tracent nos crayons à papier modernes. D’après le décor, l’écriture et la mise en page, ce volume a donc été copié au Mont Saint-Michel dans le deuxième tiers du XIIe siècle, probablement durant l’abbatiat de Bernard (1131-1149) ou de Robert de Torigni (1154-1186), tous deux anciens moines du Bec.

Raban Maur, Commentaire sur les livres des Rois et des Maccabées

Avranches, BM, 110, f. 1v-2r

Mont Saint-Michel, dernier quart du XIIe siècle

L’écriture pré-gothique de ce manuscrit est celle utilisée par les moines du Mont Saint-Michel sous les abbatiats de Robert de Torigni (1154-1186), Martin de Furmendi (1186-1191) et Jourdain (1191-1212). Les initiales de couleurs, alternativement rouges (vermillon) et bleues (lapis-lazuli) dans cette table des matières, sont aussi parfois vertes dans le reste du volume. On trouve également des exemples de lettres filigranées rouges et bleues dans l’ensemble du volume, mais les filigranes y sont très peu développés. On remarquera également l’usage de la mine de plomb pour la mise en page (réglure). La prise en compte de tous ces éléments nous oriente vers une production du dernier quart du XIIe siècle. Le style de la grande lettre ornée F bleue, rouge, verte, jaune, blanche et or qui ouvre le texte du premier livre des Rois confirme cette datation.

En bas de cette même page ont été collés deux morceaux de l’ancienne reliure, remplacée lors de la campagne de restauration mauriste des environs de 1660. Sur le premier est indiquée l’ancienne cote de dom Anselme Le Michel (1639). Sur le second, le contenu du volume est précisé (« Rabanus super libros Regum et machabaeorum »).

Tancrède de Bologne, Somme sur le mariage

Mont Saint-Michel, première moitié du XIIIe siècle

Tancrède de Bologne (v. 1185-v. 1236), prédicateur dominicain, spécialiste du droit canon et professeur à Bologne (Italie), a composé un traité sur l’ordre de la justice (Ordo judiciarius) et une somme sur le mariage (Summa de matrimonio), témoignant des prescriptions fortes édictées par l’Église afin de lutter contre l’inceste, le mariage entre cousins et la consanguinité.

À gauche, un roi présente l’arbre de consanguinité, servant à illustrer l’empêchement du mariage jusqu’au quatrième degré de parenté. Le calcul se fait en partant du centre du triangle (médaillon avec le visage), en suivant les lignes bleues :

  • au-dessus, les ascendants (parents : père [pater] et mère [mater] ; grands-parents : grand-père [auus] et grand-mère [auia] ; arrière-grands-parents : [proauus et proauia] ; arrière-arrière-grands-parents [abauus et abauia]) ;
  • au-dessous les descendants (enfants : fils [filius] et fille [filia] ; petits-enfants (petit-fils [nepos] et petite-fille [neptis]) ; arrière-petits-enfants ([pronepos et proneptis]) ; arrière-arrière-petits-enfants [abnepos et abneptis]) ;
  • et sur les côtés les frères et sœurs (frater, soror) puis les cousins (consobrinus et consobrina), etc.

À droite, un couple présente l’arbre d’affinité, avec les termes de parenté des affins non épousables, par degré de parenté (primus/secundus/tertius/quartus gradus), en reprenant le vocabulaire utilisé dans le tableau précédent.

Barthélemy de Urbino, Milleloquium Ambrosii

Avranches, BM, 63, ff. 2v-3r

Provenance inconnue, seconde moitié du XVe siècle

Barthélemy de Urbino († 1350) a composé deux recueils regroupant des travaux des Pères de l’Église par thème, suivant un classement alphabétique : le Milleloquium Augustini (qui reproduit quelques 15000 citations de saint Augustin, évêque d’Hippone, classées sous 1081 entrées) et le Milleloquium Ambrosii (organisation thématique des travaux de saint Ambroise, évêque de Milan). Ce volume correspond au deuxième des quatre tomes du Milleloquium Ambrosii (le premier tome est perdu ; les tomes 2, 3 et 4 sont conservés à Avranches, respectivement sous les cotes 63, 64 et 65).

Le parchemin, généralement confectionné avec de la peau de vache/veau ou de mouton/agneau (plus rarement de chèvre), constitue le support privilégié pour la confection des manuscrits occidentaux au Moyen Âge. Le papier, inventé en Chine avant notre ère, et déjà en usage dans le monde méditerranéen oriental au IIIe siècle, commence à être employé en Occident à partir du milieu du XIVe siècle. Mais il faut attendre l’invention de l’imprimerie au milieu du siècle suivant pour que ce support commence à véritablement s’imposer. Ainsi, les volumes du Milleloquium Ambrosii de Barthélemy de Urbino copiés dans la seconde moitié du XVe siècle sont les seuls manuscrits provenant de l’abbaye du Mont Saint-Michel antérieurs à 1500 à avoir du papier plutôt que du parchemin comme support.

On observera l’ex-libris, inscrit verticalement entre les deux colonnes du feuillet de droite : Ex libris sancti Michaelis in periculo Maris. Cette marque de possession a été ajoutée au XVIIe siècle par les moines de la Congrégation de Saint-Maur, qui réformèrent l’abbaye du Mont Saint-Michel en 1622.

Dom Jacques Bouillard, Histoire de l’abbaye royale de Saint Germain des Prez, Paris, Chez Grégoire Dupuis, 1724

feuillet volant

Avranches, Bibliothèque patrimoniale, sans cote, page de titre

L’histoire de l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés, haut lieu érudit de la Congrégation de Saint-Maur, a été imprimée en 1724. Les moines du Mont Saint-Michel ont presque aussitôt acquis un exemplaire de cette œuvre, comme le montre l’ex-libris apposé sur la page de titre : « Ex libris monasterii Sancti Michaelis in periculo maris, ordonis Sancti Benedicti, Congregationis Sancti Mauri 1726 ».

Une note ajoutée le 20 juillet 1864 en haut de cette même page par le chanoine Émile-Aubert Pigeon (1829-1902) précise que « Ce livre a appartenu à Monsieur l’abbé Desroches, curé d’Isigny ». L’abbé Jean-Jacques Desroches (1797-1862), auteur d’une Histoire du Mont-Saint-Michel et de l'ancien diocèse d'Avranches (Caen, chez Mancel, 1838) et d’une « Notice sur les manuscrits de la bibliothèque d'Avranches » parue en 1840 dans les Mémoires de la société des Antiquaires de Normandie, était donc en possession de livres imprimés provenant de l'ancienne bibliothèque monastique du Mont Saint-Michel. Le présent volume, saisi au Mont Saint-Michel par l'administration du district d'Avranches en décembre 1791, se trouvait dans le dépôt littéraire d'Avranches en 1795 (ms 246, f. 115v, n° 648). Deux exemplaires de l’œuvres, dont celui-ci, sont signalés dans le catalogue de la bibliothèque de l’École Centrale de la Manche dressé par Cerisier en 1801 (ms 266, p. 65). À partir de 1821, les catalogues successifs de la bibliothèque municipale ne décrivent plus qu’un seul volume : celui, sans ex-libris, aujourd’hui conservé à la Bibliothèque patrimoniale d’Avranches sous la cote C18.

Le volume possédé par l’abbé Desroches a donc quitté la bibliothèque d’Avranches entre 1801 et 1821. Durant cette période, de nombreux livres conservés à Avranches, tant manuscrits qu’imprimés, ont disparu. Certains d’entre eux ont été retrouvés ou se trouvent encore dans des collections privées.