Bibliothèque virtuelle
duMont Saint-Michel

Exposition 37 (1er février-2 avril 2017)

Liber scintillarum (Defensor de Ligugé ?) et Lettres de saint Paul.

Avranches, BM, 108, ff. 45v-46r

Centre ou nord de la France (Neustrie ?), seconde moitié du IXe s.

Ce manuscrit carolinigien, copié dans la seconde moitié du IXe siècle, n’a pu être rapproché par les spécialistes (Bernard Bischoff, François Avril et Jonathan J. Alexander) des productions du scriptorium du Mont Saint-Michel. Sa mise en page à la pointe sèche, l’usage du minium rouge-orangé dans les titres et les initiales, l’absence d’influence anglo-saxonne dans les deux initiales ‘D’ (celle de gauche est écrite en onciale) et l’écriture en lettres carolines rappellent néanmoins les productions montoises des environs de l’an mil, si bien que Léopold Delisle (1826-1910) et Henri Omont (1857-1940), historiens et bibliothécaires normands, avaient daté ce manuscrit du Xe s. L’ex-libris du XIIe s. figurant au f. 105r montre qu’il appartenait alors aux moines du Mont Saint-Michel.

On remarquera, en bas du feuillet de gauche, la réparation du parchemin déchiré à l’aide d’un épais fil blanc.

Livres de la Bible, glosés

Avranches, BM, 10, contreplat supérieur et f. 1r.

Mont Saint-Michel et Nord-Ouest de la France, XIe, XIIe et XIIIe s.

Ce volume, contenant plusieurs livres commentés de la Bible (glose ordinaire), a été copié entre la fin du XIIe s. (ff. 106r-213) et le début du XIIIe s. (ff. 1r-105v). Les moines ont remployé deux feuillets d’un manuscrit du XIe s. : ils les ont utilisés comme contre-gardes (collage sur les contreplats supérieur et inférieur de la reliure).

À gauche, l’écriture caroline, la justification de la page à la pointe sèche (profonds sillons laissés sur le parchemin) et l’usage du minium rouge-orangé constituent trois caractéristiques des productions du XIe s. au Mont Saint-Michel.

À droite, l’écriture gothique primitive, la justification de la page à la mine de plomb (traits fins bruns) et les initiales alternées rouges et bleues (à filigrane [traits fins] dans le cas de la première) sont typiques des productions du début du XIIIe s.

Ambroise (saint), De Isaac vel anima

Avranches, BM, 61, ff. 2v-3r.

Mont Saint-Michel, XIe s. (v. 1070-1080)

A gauche, les titres alternant les couleurs rouge et verte caractérisent les productions du scriptorium du Mont Saint-Michel du 2e et du 3e tiers du XIe s.. L’usage du rouge-vermillon plutôt que du minium rouge-orangé nous place cependant dans la seconde moitié de ce siècle. La grande lettre ornée ‘I’ à compartiments et entrelacs influencée par le style anglo-saxon se rattache elle aussi à cette période. La présence des deux têtes de chien vues de trois-quarts permet même de situer sa réalisation dans les années 1070 ou 1080, sous l’abbatiat de Renouf (1060/1-1083/4). Le décor de ce manuscrit peut être rapproché de ceux des mss. Avranches, BM, 89 et Berlin, DS, Phillipps 1854.

À droite, un ex-libris (marque de possession) a été ajouté au XVIIe s. par les moines du Mont Saint-Michel : « Ex monasterio sancti Michaelis in periculo maris » (traduction : « Du monastère Saint-Michel au péril de la mer »).

Valère Maxime, Faits et dits mémorables

Avranches, BM, 157, ff. 90v-91r.

Mont Saint-Michel, XIIe s.

Valère Maxime (Ier s.) a composé un florilège de récits traitant des événements marquants de l’histoire romaine. Cette compilation était destinée aux orateurs désirant étayer leurs démonstrations d’exemples historiques. En raison du caractère antique et édifiant des exemples qu’elle contient, la compilation de Valère Maxime s’imposera au XVe s. comme une lecture conseillée aux jeunes princes soucieux de parfaire leur éducation.

Cet exemplaire, copié au Mont Saint-Michel au XIIe s., est typique des productions du scriptorium à cette époque : alternance d’initiales rouges (vermillon) et vertes ; usage de la mine de plomb pour justifier le texte en délimitant l’espace d’écriture (réglure) ; écriture caroline compacte (ascendantes et descendantes peu développées). Le style rappelle certaines productions du Mont sous l’abbé Robert de Torigni (1154-1186).

Robert de Tombelaine, Commentaire sur le Cantique des Cantiques

Avranches, BM, 14, ff. 166v-167r

Mont Saint-Michel, XIIe s.

L’initiale ‘O’ du mot osculetur est une belle lettre ornée de couleurs rouge et verte. Elle se trouve au début du Commentaire sur le Cantique des Cantiques de Robert de Tombelaine, moine du Mont Saint-Michel puis prieur de Saint-Vigor de Bayeux (1063-1082). Ce commentaire, rédigé vers le milieu du XIe s., est considéré comme la plus ancienne œuvre d’exégèse (commentaire de la Bible) produite en Normandie à l’époque ducale (911-1204). Elle a connu un certain succès dans et hors de Normandie.

Le commentaire de Robert devance de seulement quelques décennies la très riche production exégétique de son élève Richard des Fourneaux, moine de Saint-Vigor de Bayeux puis abbé de Préaux (1101-1125). Richard a commenté au moins onze livres de la Bible, mais reste moins connu que ses deux maîtres Anselme du Bec et Robert de Tombelaine : contrairement à eux, ses œuvres, rapidement concurrencées par la « glose ordinaire », ont été très peu diffusées.

Bible

Avranches, BM, 1, ff. 145v-146r

Normandie, XIIIe s.

Cette Bible en un volume a été copiée en deux temps, vers 1220-1230 (ff. 1-248) et vers 1270-1290 (ff. 249-280). Comme l’indique les notes ajoutées aux f. 1 et 280v, elle fut acquise pour 10 livres parisii par maître Jean Hellequin, qui en fit don au moine du Mont Saint-Michel Jean Énete en 1317 (« Ista Biblia est fratris Iohannis Enete, monachi monasterii Montis Sancti Michaelis in periculo maris, quam magister I[ohannis] Hellequin dedit dicto monacho, et constitit X libris Parisiensium » et « Anno Domini M°CCC°XVII, die martis post translationem beati Benedicti, in julio »).

Ce manuscrit se distingue par le petit module de son écriture et la grande sobriété de sa mise en page : simples initiales filigranées rouges et bleues typiques du XIIIe s. ; absence de décoration.

Dans la partie supérieure, le titre courant (abrégé), en capitales rouges et bleues, rappelle le nom du livre biblique (livre du prophète Jérémie : « Iheremias p(ro)ph(et)a »). Dans la partie inférieure, le cahier a été numéroté afin de faciliter le travail d’assemblage du relieur (signature .XIIII. = 14e cahier).

Pierre Lombard, Sentences

Avranches, BM, 120, ff. 110v-111r

Paris, seconde moitié du XIIIe s.

Pierre Lombard, qui enseigna à Paris au milieu du XIIe s., est l’un des grands théologiens du Moyen Âge : ses Sentences ont servi de manuel de référence pour l’enseignement de la théologie dans les universités (recommandations du concile de Latran de 1215).

Cet exemplaire des Sentences, copié à Paris dans la seconde moitié du XIIIe s., fut acquis pour 8 livres parisii par maître Jean Hellequin, qui en fit don au moine du Mont Saint-Michel Jean Énete, comme le précise la note ajoutée au f. Bv (« Iste Sententie sunt fratris Iohannis Enete, monachi de Monte Sancti Michaelis in periculo maris, quas magister Iohannes Hellequin dedit dicto Iohanni Enete, et constiterunt dicto magistro Hellequin viii libras parisiensium »). La réception de ce manuscrit au Mont Saint-Michel est donc identique à celle de la Bible précédente (ms. 1). Jean Énete l’a vraisemblablement acquis comme cette dernière en 1317.

Décrétales de Grégoire IX et d’Innocent IV

Avranches, BM, 151, ff. 436v-437r

France (Paris ?), seconde moitié du XIIIe s.

Comme le précise le colophon (signature du travail du copiste) figurant à la fin de ces Décrétales de Grégoire IX, la première partie de ce gros volume de droit (ff. 1-436v) a été copiée par le clerc Roger de Saint-Pierre, qui a terminé son travail le 26 août 1265 (f. 436v : « Expliciunt hee decretales quas Rogerus dictus de Sancto Petro, clericus, scripsit manu sua propria et eas finiuit die Mercurii post festum sancti Bartholomei apostoli, anno Domini M°CC°LXmo quinto »). Le même copiste a ajouté à la suite les Décrétales d’Innocent IV (f. 438-455 : Decretales nouae). Deux autres mains ont ajouté plus tard (XIIIe et XIVe s.) les deux tables de contenu des f. 437 et 456v-457.

Au XIVe s., ce manuscrit appartenait au moine du Mont Saint-Michel Jean Roullant, qui en fit probablement don à son monastère, comme l’indique une note ajoutée au f. 456v (« Iste decretales sunt fratris Iohannis Roull[ant], monachi Montis sancti Michaelis in periculo maris, Abrincensis diocesis »).

Digeste de Justinien (Digestum vetus)

Avranches, BM, 137, garde volante et f. 1r

Italie (Bologne ?), seconde moitié du XIIIe s.

Ce manuscrit de droit et de jurisprudence, copié en Italie dans la seconde moitié du XIIIe s. (peut-être à Bologne vers 1273), conserve ses pages de garde d’origine. Celles-ci comportent des notes correspondant à des transactions entre marchands italiens (florentins ?). Ces textes intéressent les linguistes, car ils remontent à une époque où la langue italienne n’existe pas encore : « de nombreux dialectes cohabitent sans qu’aucun d’entre eux ne parvienne à s’imposer comme langue écrite au côté du latin ».

Ce volume, vraisemblablement amené à Paris par un étudiant, a été acheté en 1300 par un clerc du diocèse d’Avranches du nom de Guillaume de Brécey, comme le précise la note ajoutée au f. 294v (« Iste liber est Guillelmi de Brece, clerici, Abrincensis diocesis. Datum anno Domini M°CCC°, die nativitatis Domini »). Il fut ensuite offert au Mont Saint-Michel, où il resta jusqu’à la Révolution.

Traduction arabo-latine et commentaire de la Métaphysique d’Aristote

Avranches, BM, 220, ff. 14v-15r

Paris, XIIIe s.

Dans un ouvrage récent (Aristote au Mont Saint-Michel, Paris, Éditions du Seuil, 2008), Sylvain Gouguenheim rejetait la thèse de la redécouverte du savoir grec au Moyen Âge grâce aux seules traductions arabes. Selon cet auteur, le Mont Saint-Michel aurait été, dans la première moitié du XIIe s., un important centre de traduction des textes d’Aristote du grec au latin grâce à la présence de Jacques de Venise.

Il n’existe aucune preuve de la présence du traducteur Jacques de Venise au Mont, et aucun des manuscrits d’Aristote de ce monastère ne lui est contemporain. Les plus anciens volumes datent seulement de la fin du XII e s. et la grande majorité ne remonte qu’au XIIIe s. Les traductions du grec au latin sont celles de Jacques de Venise mais aussi de Burgondio de Pise, et il existe plusieurs traductions de l’arabe au latin, comme cet exemplaire de la Métaphysique d’Aristote.

Les traductions latines d’Aristote provenant de l’abbaye du Mont Saint-Michel sont en réalité des ouvrages scolaires, souvent réunis en recueils : très peu décorés, ils portent généralement des notes laissées par les étudiants. Or nous savons que plusieurs moines du Mont Saint-Michel, ayant étudié dans les collèges et les universités parisiennes, donnèrent leurs livres à leur monastère lorsqu’ils y prirent l’habit. Il est ainsi possible que la bibliothèque du Mont Saint-Michel nous livre un témoignage indirect de l’enseignement de la philosophie dispensé dans les écoles parisiennes des XIIIe et XIVe s.

Glose sur l’Évangile de saint Matthieu

Avranches, BM, 22, reliure (vers 1660)

Mont Saint-Michel, XIIe s.

Da reliure très endommagée de ce manuscrit permet d’observer des éléments habituellement cachés sous celle-ci.

Le plat supérieur est détaché du dos, ce qui permet d’apercevoir les 16 cahiers reliés les uns aux autres par des fils cousus autour de quatre nerfs doubles en cuir. Ces derniers sont fixés sur l’ais (en carton) du plat inférieur mais sont détachés de l’ais du plat supérieur. Les entre-nerfs ont été renforcés par des bandes de tissu blanc. Les tranchefiles, situés en tête (haut du dos) et en queue (bas du dos), sont détachés des deux plats et ne sont plus protégés (les coiffes de tête et de queue ont disparu).

Afin de préserver ce volume, une restauration de cette reliure mauriste du XVIIe s. (vers 1660) est indispensable. Elle est programmée pour 2018.

Missel à l’usage de l’abbaye du Mont Saint-Michel

Avranches, BM, 43, reliure (XVe-XVIe siècle)

Nord-Ouest de la France (Mont Saint-Michel ?), XVe s.

Le missel est un livre liturgique utilisé lors de la messe. On le distingue du bréviaire, employé lors des fêtes bénéficiant d’un office.

Ce manuscrit, copié au XVe s., est l’un des rares volumes de l’abbaye du Mont Saint-Michel à avoir conservé sa reliure ancienne. Celle-ci date de la fin du XVe ou de la première moitié du XVIe s. et possède de lourds ais de bois dans ses deux plats. Le décor, dont les motifs floraux sont influencés par le style de la Renaissance italienne, est estampillé à froid. Des roulettes ont servi à tracer les encadrements. Des fers ont été utilisés pour le décor du centre et des angles de l’encadrement central.

Cette reliure conserve également des traces de fermoir : les deux plaques métalliques fixées sur le plat supérieur par trois clous conservent l’extrémité de la lanière en cuir qui reliait autrefois les deux plats afin de garder le livre fermé.