Coutumes de la prévôté de Caen

Le territoire auquel s’applique le coutumier est celui de la prévôté de Caen où s’exercent les droits du roi (ou du duc de Normandie jusqu’en 1204) en tant que seigneur. Le texte s’attache principalement aux coutumes prélevées sur les activités commerciales. La « coutume de la prévôté de Caen » est connue par trois versions de langues différentes : latin, moyen français et français moderne. Aucun des textes ne contient de signes d'authentification, de date ou de mention de l'autorité au nom de laquelle la mise par écrit a été effectuée.

Latin

La version latine est connue par des témoins datant de la fin du XIIIe siècle ou du début du XIVe siècle conservés dans trois recueils du fonds latin de la Bibliothèque nationale de France1. Léopold Delisle définit le manuscrit latin 11034 comme un recueil sur le droit normand contenant la deuxième compilation des jugements de l’Échiquier, la compilation des assises, la grande charte fausse de Henri II, les jugements de de l’Échiquier depuis 1276, le registre G de Philippe Auguste et le « tarif de la prévôté de Caen »2. Le manuscrit latin 12883 contient la coutume de Normandie (Summa de legibus) précédée d’un calendrier du diocèse de Bayeux, suivie d'actes royaux (en particulier de saint Louis), de quelques pièces sur le droit normand, de la coutume de la prévôté de Caen et d’arrêts de l’Échiquier postérieurs à 12763. Les arguments développés par Ernest-Joseph Tardif permettent de rattacher le codex à Caen ou son baillage4. Enfin, le manuscrit latin 4790 comprend la charte aux Normands de 1315, un mandement de Louis X relatif à son application, le texte du coutumier de Normandie (Summa de legibus) et des actes royaux, de saint Louis en particulier. Le texte de la coutume de la prévôté de Caen se trouve à la fin du volume avant une série de jugements et d’arrêts de l’Échiquier. Il aurait pu être transcrit à Caen ou à Bayeux et son contenu est en partie le même que celui du précédent5.

Si la mise par écrit ne peut être strictement datée, le terminus ad quem se situe à la fin du XIIIe siècle ou au début du siècle suivant, moment de la constitution d’au moins deux des trois recueils. Lucien Musset situait la rédaction peu avant 12006. René-Norbert Sauvage, dans son édition des « coutumes métiers de Caen », la date de la seconde moitié du XIIe siècle7. Il est vrai que la mention de la monnaie d’Angers, utilisée au XIIe siècle, qui figure également dans la version française, et celle d’un four ayant appartenu à Thierry Fils Arthur, forme anthroponymique ancienne figurant dans les sources caennaises des XIe-XIIe siècles, incitent à faire remonter plus haut la date de rédaction. Ces arguments ne constituent toutefois pas une preuve de la datation de l’ensemble du texte car ce dernier peut résulter d’une compilation d’éléments successifs.

1. La présentation des versions est en partie issue du texte figurant dans Laurence Jean-Marie, « "La coutume de la prévôté de Caen" : une définition des règles de prélèvement des taxes sur le commerce », Histoire urbaine, n° 30, avril 2011, p. 147-179.

2. Léopold Delisle, Inventaire des manuscrits latins conservés à la bibliothèque nationale (fonds latin n° 8823-18613), Paris, Durant et Pedone-Lauriel, 1863-1871, t. I, p. 107.

3. Ibid., II, p. 77-78.

4. Ernest-Joseph Tardif (éd.), Coutumiers de Normandie, t. II, Summa de legibus Normannie in curia laicali, Paris, Picard, 1896, p. XXXVII.

5. Ibid., p. XXVIII-XXXI.

6. Lucien Musset, Histoire de Caen, Gabriel Désert (dir.), Toulouse, Privat, 1979, p. 66.

7. René-Frédéric-Norbert Sauvage, « Les coutumes des métiers de Caen en 1326 », Mémoires de l’Académie Nationale des Arts et Belles-Lettres de Caen, 1914, p. 6.

Français

Un témoin figure dans le registre, connu sous le nom de matrologe, constitué à partir de la seconde moitié du XIVe siècle après la perte des archives de la ville au moment de la prise de Caen par Édouard III en 1346 (information donnée dans une lettre de Charles V du 9 juillet 1364 copiée au premier folio du registre et rétablissant les privilèges de la ville). Le texte est inséré à la suite d'une série d'actes des années 1360. Les deux volumes du matrologe (le second est moderne) ayant subi un incendie à la fin du XIXe siècle, ils sont très détériorés, particulièrement le premier volume, pour l’essentiel illisible.

Le texte est donc connu par une copie du XIXe siècle, effectuée avant l’incendie par Henri de Formeville (1798-1879) pour le compte d'Augustin Thierry dans les « Monuments de l'Histoire du Tiers-État ». Au début du texte, figurent deux mentions marginales : « 1362… ? » et « il existe un original de cette coutume écrit en latin au 12e ou 13e siècle ». Henri de Formeville fait de nouveau référence en marge au latin, ce qui laisse penser qu’il disposait de cette version. Quant à la proposition de datation, elle peut s'expliquer par la présence en fin de texte d'une liste de marchandises devant des aides puisque la levée de ces dernières par le roi s’accroît à partir de 1362. La langue pourrait être plus ancienne et correspondre à un état de la seconde moitié du XIIIe siècle1. Il est plausible que, dans les années 1360, le scribe du matrologe copie lui-même un écrit antérieur auquel il ajoute la liste des aides.

Une autre copie du XVIIIe siècle est conservée aux archives du Calvados. En marge, au début du texte figure la mention suivante : « pancarte de la prevosté et coustume de Caen ». Le texte est sensiblement le même que celui de la copie de Formeville, mais il ne comprend pas la liste des aides. En outre, les nombreuses variantes orthographiques, et ponctuellement de fond, laissent penser que la copie n’a pas été effectuée à partir du même témoin que le précédent. L'interprétation linguistique peut suggérer une langue du XIVe siècle.

1. Cette hypothèse, ainsi que celle qui concerne la copie suivante, ont été émises par Yvonne Cazal, maître de conférences en linguistique médiévale à l'université de Caen Normandie, que l'on remercie ici.

Français moderne

La version moderne est connue grâce à une copie manuscrite du XIXe siècle effectuée par l’érudit caennais Charles Méritte-Longchamp réalisée à partir d'un imprimé, publié à Caen en 1595 chez Jacques Le Bas, imprimeur du roi. À la fin du XVIe siècle, on se soucie de produire ce tarif, à la requête du fermier de la prévôté.

Responsabilités

Laurence Jean-Marie (éd.)

Lény Retoux (éd.)

Centre Michel de Bouärd (Craham - UMR 6273)

laurence.jean-marie@unicaen.fr

leny.retoux@unicaen.fr